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Séismes en Turquie-Syrie : « ce matériel médical nous permettra de traiter les personnes sorties des décombres »

Turquie
Publié le 07 Feb 2023

[Interview] Éric Zipper et son équipe de l’ONG du Corps Mondial de Secours (CMS) USAR (Urban Search and Rescue) décollent pour la Turquie ce mardi 7 février à 7h20 depuis l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle avec une malle d’urgence Tulipe. Ils arriveront quelques heures après à Istanbul avant d’être acheminés au plus près de l’épicentre situé dans le sud-est du pays. Leur mission : évaluer la situation après le séisme en Turquie et en Syrie, participer aux missions de recherches et de secours sur place. Nous nous sommes entretenus avec Éric Zipper, président du CMS USAR peu avant son départ. Ce spécialiste de la recherche et du sauvetage en milieu urbain, également spéléologue, est notamment intervenu en 2010 lors du tremblement de terre en Haïti qui avait fait 250 000 morts et plus récemment lors de la guerre en Ukraine.

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Éric Zipper, deuxième à partir de la droite, au départ de l’aéroport de Roissy CDG ce matin (photo CMS USAR)

Comment avez-vous été informés du séisme ?

Comme pour des missions de ce type, nous avons une cellule de veille. Ce matin, après avoir eu l’information du tremblement de terre en Turquie, nous avons tout de suite compris que c’était un séisme très important. Nous avons donc décidé de démarrer une mission d’évaluation et de la débuter moins de 24 heures après le séisme.

Quelle a été la préparation ?

Le 6 février a été consacré à la préparation de notre mission d’évaluation et la constitution d’une équipe d’évaluation : moi-même comme chef de mission, un médecin urgentiste, un infirmier urgentiste, un équipage cynophile (un maître avec deux chiens) et un logisticien.  En parallèle, nous nous sommes attelés à trouver les contacts rapidement en Turquie pour ne pas perdre de temps lors de notre arrivée demain (NDLR : aujourd’hui) et être acheminés au plus près de l’épicentre. Nous sommes en relation avec le patron d’une des plus grosses entreprises de BTP en Turquie. Il s’est mis à notre disposition dès le début pour faciliter au maximum les possibilités de transport. Ensuite, comme nous partons avec un médecin et un infirmier, urgentistes, l’association Tulipe, nous a fourni une première malle d’urgence.  Nous y allons aussi, même si l’équipe de départ est légère, pour effectuer de la recherche de personnes ensevelies. Ce matériel médical nous permettra de les traiter une fois sortis des décombres.

Une fois sur place, quel sera le déroulé ?

Un contact nous attendra à l’aéroport d’Istanbul et nous nous rendrons au plus près de la zone de catastrophe en empruntant un vol intérieur ou privé. Une fois arrivés dans la zone du séisme, nous allons dans un premier temps nous rapprocher des autorités et des équipes de secours Turques pour pouvoir leur prêter main forte. Ils ont un très bon savoir-faire, car malheureusement c’est un pays fortement touché par des séismes. La deuxième phase de la mission aura lieu mercredi soir ou jeudi matin avec le départ d’une dizaine de secouristes supplémentaires. Ils emporteront avec eux du matériel de dégagement et des malles Tulipe supplémentaires. Je vais leur préparer le point de chute le plus adapté et efficace.  Nous avons deux fixeurs locaux ce qui va accélérer les choses pour la recherche d’informations, de contact et l’organisation.

Par rapport à vos précédentes missions, comment appréhendez-vous celle-ci ?

Je suis assez pessimiste car il y a une combinaison d’éléments défavorables réduisant considérablement les chances de survie : l’heure matinale du séisme en Turquie avec beaucoup de gens se trouvaient chez eux lors du déclenchement, sa violence, sa proximité avec la surface avec un épicentre à seulement de 10 kilomètres en dessous d’une zone à forte densité de population. La deuxième secousse a été plus forte que la première ce qui, aussi, est assez rare. Depuis de nombreuses répliques ont eu lieu, d’une intensité suffisante pour cisailler des fins de fondations. Autre élément défavorable : le froid avec des températures négatives et de la neige. Le bilan provisoire annoncé pour l’instant (NDLR : plus de 4300 morts le 7 février à 6h56) est bien en deçà de la réalité… Cela me rappelle Haïti avec 6 morts annoncés 3 heures après le séisme, puis quelques centaines en fin de première journée et finalement 250 000 morts.

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Les secouristes français emportent une première malle Tulipe avec eux (DR Eric Zipper)

Face à la possibilité de répliques, à la situation risquée sur place, comment vous organisez-vous ?

Il nous faut gérer la sécurité de l’équipe face à un risque totalement aléatoire, impossible à anticiper. Lorsque nous sommes dans des décombres, il est très difficile de percevoir une secousse. Les éboulis ne sont pas forcément en contact avec le sol. Nous sommes également complètement concentrés sur les recherches. La seule sécurité une fois entrés dans les gravas c’est le système de sonnette à l’extérieur avec un verre d’eau. Lorsque la personne chargée de surveiller la surface de l’eau remarque la moindre secousse, elle siffle pour que nous puissions ressortir rapidement des décombres. Notre engagement se mesure en fonction des chances de survie des victimes de la catastrophe. Si nous sommes sûrs qu’une personne est vivante et qu’en nous engageant dans les décombres il est possible de la sortir : nous y allons sans nous poser de questions. Sans réponses depuis un moment et avec des risques de réplique importants : nous ne nous engageons pas. Le risque s’évalue au coup par coup, une fois sur place. Cela dépend de ce que les chiens vont marquer et des témoignages sur place.